Le diagramme de l’Œuf de de Roberto Assagioli : un modèle de la psyché moins connu et pourtant très complet
Dans sa théorie de l’iceberg, Freud considérait la psyché humaine tel un immense continent invisible, où l’inconscient occupe une place prépondérante sous la fine couche du conscient. Mais il existe d’autres représentations de notre monde intérieur — parfois moins connues du grand public — et pourtant d’une richesse étonnante. C’est le cas du modèle de l’Œuf de la conscience, imaginé par le psychiatre italien Roberto Assagioli, fondateur de la psychosynthèse.
CoContrairement aux modèles psychiques centrés sur la pathologie ou la dualité des conflits internes, Roberto Assagioli propose une vision globale, évolutive et verticale de la psyché humaine. Inspiré à la fois par la psychanalyse, les spiritualités orientales et l’approche humaniste, il élabore une carte de l’âme qui intègre toutes les dimensions de l’être : des plus sombres aux plus lumineuses.
Son schéma en forme d’œuf ne cherche pas seulement à guérir ou analyser : il invite à grandir, à unifier, à révéler notre potentiel profond.
Il nous encourage à explorer non seulement nos blessures, mais aussi nos ressources intérieures, nos élans créateurs, notre guidance intime, et notre dimension transpersonnelle.
L’Œuf de la psyché : une topographie intégrative de l’être
L’ovoïde d’Assagioli représente l’être humain dans toutes ses dimensions : biologique, psychologique, sociale et spirituelle.
Il repose sur sept lieux psychiques qui interagissent en permanence, formant une structure vivante, perméable et évolutive :
- de l’inconscient inférieur au Soi supérieur,
- en passant par le Je,
- le champ de conscience,
- et les niveaux transpersonnels,
…dans un objectif qui n’est plus seulement de guérir, mais de s’unifier.
L’œuf d’Assagioli tel une maison dans laquelle habite la psyché
Le modèle de Roberto Assagioli peut se lire comme une maison à plusieurs étages, où chaque niveau de la psyché joue un rôle spécifique dans notre développement intérieur :
| Élément du modèle d’Assagioli | Métaphore de la maison | Fonction symbolique |
|---|---|---|
| Inconscient inférieur | Le sous-sol | Contient nos parts refoulées mais aussi nos énergies brutes |
| Inconscient moyen | Le rez-de-chaussée | Pont entre le conscient et les autres couches de l’inconscient |
| Inconscient supérieur | Le grenier lumineux | Point d’accès aux dimensions transpersonnelles et évolutives |
| Champ de conscience | La pièce de vie | Zone flottante et variable de la conscience actuelle |
| Le JE | Le locataire | Centre de l’expérience personnelle et point de départ de l’évolution |
| Le SOI transpersonnel | Le propriétaire | Centre stable et spirituel de guidance et d’unification |
| Inconscient collectif | Le quartier | Champ dans lequel la maison psychique est immergée |
Cette analogie nous montre que :
- Le travail intérieur consiste à circuler librement dans sa propre maison, à dialoguer avec ses différentes pièces, à reconnaître le locataire sans oublier le propriétaire.
- La psyché n’est pas un champ de bataille, mais un espace habitable, évolutif, riche.
- Nous pouvons explorer tous les étages, et pas seulement réparer la plomberie du sous-sol.
Mais alors, pourquoi comparer le « JE » à un locataire ?
En psychosynthèse, cette image permet :
- De distinguer le JE du Soi
- De désidentifier le Je des contenus émotionnels ou mentaux
- De remettre la volonté consciente au centre du processus d’évolution
Le « JE » qui :
- habite une partie de la maison : Le JE évolue dans un champ de conscience limité. Comme un locataire dans un appartement, il n’a pas accès en permanence à toute la structure.
- peut changer de pièces et de niveaux : Il peut explorer les niveaux plus profonds (inconscient) ou plus élevés (transpersonnel). Mais il n’est pas toujours conscient de tout ce qui s’y passe.
- cohabite avec des contenus : Le JE peut être envahi par des émotions ou des pensées… comme un locataire débordé par le désordre.
- n’est pas le propriétaire : Le Soi transpersonnel est le véritable propriétaire de la maison. Il détient la vision d’ensemble.
Passons à la visite des étages de la psyché
Maintenant que nous avons posé les bases du modèle et visualisé la maison symbolique de notre être intérieur, il est temps d’ouvrir les portes, de descendre dans les profondeurs et de grimper vers les hauteurs. Explorons ensemble, niveau par niveau, les différentes zones de cette carte intérieure :
- leurs fonctions,
- leurs dynamiques,
- leurs ressources,
- et ce qu’elles peuvent nous apprendre sur nous-mêmes
1. L’inconscient inférieur
Situé à la base de l’ovoïde, l’inconscient inférieur est la fondation invisible de notre édifice psychique. Il correspond, en partie, à l’inconscient de Freud : celui des pulsions, des automatismes et des contenus refoulés. Mais Assagioli y ajoute une nuance essentielle : ce niveau ne contient pas seulement des forces problématiques, mais aussi des ressources vitales.
📍 Il contient :
- Les pulsions fondamentales (sexuelles, agressives, de survie)
- Les complexes non résolus
- Les schémas de comportement rigides
- Les souvenirs traumatiques
- Les habitudes corporelles ou mentales inconscientes
- ainsi que l’instinct de survie, la mémoire cellulaire, l’énergie brute
🌟 En psychosynthèse, le travail thérapeutique ne vise pas à s’en débarrasser, mais à comprendre, pacifier et transmuter ces énergies en leviers de croissance. Assagioli nous invite à y reconnaître une forme d’intelligence archaïque.
Ce souterrain n’est pas qu’un réservoir d’ombres, c’est aussi un réservoir de puissance.
📌 Exemples concrets :
- Un schéma de fuite (provenant d’un traumatisme) peut devenir une capacité d’adaptation.
- Une colère répétée peut révéler une blessure d’injustice… et devenir une force d’affirmation.
- Une compulsion peut indiquer un besoin fondamental ignoré.
2. L’inconscient moyen
Situé à l’étage intermédiaire entre l’inconscient inférieur et l’inconscient supérieur, se situe l’inconscient moyen essentiel pour notre quotidien. C’est un espace en mouvement, un lieu d’échange entre ce qui nous habite profondément et ce qui nous élève spirituellement.
📍 Il contient :
- Les souvenirs accessibles sans effort
- Les émotions récurrentes ou passagères
- Les idées, croyances et représentations mentales
- Les images issues de nos rêves ou de notre imagination
- Les automatismes relationnels
- Les constructions mentales et projets en cours
🌟 En psychosynthèse, ce niveau est précieux : c’est là qu’on explore les récits intérieurs, les schémas de pensée, les images personnelles… tout ce qui prépare une transformation consciente.
On y travaille aussi les mémoires émotionnelles et les créations psychiques (écriture, visualisation, art symbolique…)
📌 Exemples concrets :
- Une intuition fugace venue en rêve, qui devient une idée créative le lendemain.
- Une habitude mentale de se dévaloriser, bien qu’elle ne soit pas forcément consciente.
- Un projet de vie en gestation, encore flou mais déjà présent en toile de fond.
3. L’inconscient supérieur
Tout en haut de l’ovoïde se trouve un espace souvent ignoré dans les modèles classiques : l’inconscient supérieur, ou transpersonnel. Assagioli lui donne une place centrale. Il ne s’agit pas d’un idéal lointain, mais d’un niveau réel de la psyché, porteur de sens, de beauté et de guidance intérieure. C’est le grenier lumineux de notre maison intérieure, un lieu souvent fermé à double tour… mais qui recèle nos plus grandes ressources.
📍 Il contient :
- Les intuitions profondes
- Les états modifiés de conscience (méditation, transcendance…)
- Les élans de sagesse, d’altruisme, d’inspiration
- La vision de notre potentiel le plus élevé
- Les qualités de l’âme : amour, paix, beauté, courage, vérité…
🌟 En psychosynthèse, on ne se contente pas de « guérir des blessures » : on cherche aussi à activer cette dimension supérieure de la psyché. On part du principe que l’homme n’est pas qu’un ensemble de traumatismes à réparer, mais aussi un être en croissance, appelé à se réaliser pleinement.
📌 Exemples concrets :
- Une intuition fulgurante qui éclaire une décision de vie
- Une œuvre artistique ou une parole juste, née d’un élan de vérité intérieure
- Un rêve éveillé où l’on se sent guidé, porté
4. Le champ de conscience
Au cœur de l’œuf, flottant entre les différentes strates de l’inconscient, se trouve un espace mouvant, mobile, non figé : le champ de conscience.
📍 Il contient tout ce que nous percevons, ressentons, pensons dans l’instant présent :
- Sensations physiques
- Émotions conscientes
- Pensées en cours
- Ce sur quoi nous portons notre attention
- Ce que nous choisissons de voir ou d’ignorer
Semblable à une lampe torche, cette espace éclaire certaines zones, en laisse d’autres dans l’ombre. Selon notre état, notre attention, notre volonté, il peut :
- Se rétrécir (concentration)
- S’élargir (état de pleine conscience)
- Changer d’orientation (pensée, imagination, introspection…)
🌟 En psychosynthèse, on apprend à élargir et déplacer ce champ :
- Pour observer plutôt que réagir
- Pour désidentifier les contenus (pensées, émotions) sans les rejeter
- Pour faire de la place à une autre perspective intérieure
📌 Exemple concret :
Je ressens une colère. Plutôt que de dire « je suis en colère », je peux me dire « je remarque qu’une colère est présente ». Cela change tout. Cela signifie que je ne suis pas la colère, mais celui/celle qui en fait l’expérience. Cet espace entre moi et ce que je ressens s’appelle : la désidentification.
5. Le « JE »
Au centre du champ de conscience se trouve une présence stable, continue, un témoin : le JE conscient, aussi appelé centre de la conscience personnelle.
📍 Ce qu’il est :
- Le sujet qui perçoit, ressent, pense
- Celui/celle qui dit « JE »
- L’expérimentateur de la vie
- Un point d’observation intérieur, distinct de ce qu’il observe
Contrairement à ce que l’on croit souvent, nous ne sommes pas nos pensées, ni nos émotions, ni nos souvenirs. Nous sommes celui ou celle qui en fait l’expérience.
Le JE n’est pas un rôle :
Il ne se confond ni avec l’image de soi, ni avec les conditionnements, ni avec les identifications.
🌟 En psychosynthèse, on apprend à faire une désidentification :
- « Je ne suis pas mes émotions.
- Je ne suis pas mon corps.
- Je ne suis pas mes pensées.
- Je suis le centre conscient qui peut les observer et les transformer. »
📌 Dans la vision d’Assagioli, le JE est un reflet du Soi transpersonnel, comme un rayon du soleil est un reflet du Soleil lui-même.
Il n’est pas le sommet de la psyché, mais le centre temporaire d’une conscience humaine en chemin.
6. Le SOI transpersonnel
Si le Je est le locataire de la maison psychique, le Soi transpersonnel en est le propriétaire. Il représente l’essence profonde, stable, intemporelle de l’être.
📍 Ce qu’il est :
- Un centre spirituel au sommet (et au-delà) de l’œuf
- Un point d’unité entre la dimension personnelle et la dimension universelle
- Ce que nous sommes au-delà de nos conditionnements, blessures, identités provisoires
- Une présence de guidance, de sagesse, d’amour inconditionnel
Dans le schéma d’Assagioli :
- Le Soi est partiellement à l’intérieur de l’œuf (lien avec le Je)
- Et partiellement à l’extérieur (ouverture vers le transpersonnel, le cosmique)
🌟 Le rôle du Soi dans le processus de psychosynthèse :
- Il agit comme une boussole intérieure
- Il permet la synthèse des multiples dimensions de l’être
- Il éveille en nous un désir d’unité, de beauté, de vérité, de transcendance
- Il oriente la volonté vers une finalité évolutive et intégrative
Le Soi ne s’impose jamais. Il se révèle dans le silence, l’écoute intérieure, l’intuition, la création, l’amour.
7. L’inconscient collectif
Si l’Œuf représente notre maison intérieure, l’inconscient collectif est le quartier, l’environnement psychique plus vaste dans lequel elle s’inscrit. Il forme le socle commun de l’humanité, un champ d’information, d’énergie, de mémoire et de symboles partagés.
📍 Ce qu’il contient :
- Des archétypes universels (le sage, la mère, l’enfant, le héros…)
- Des mythes fondateurs, images collectives et symboliques que nous partageons inconsciemment
- Des loyautés familiales ou culturelles invisibles
- Des mémoires historiques ou transgénérationnelles
- Des énergies évolutives ou régressives
Trois strates selon la psychosynthèse :
- Inconscient collectif inférieur : vestiges archaïques, instincts primitifs, mémoires traumatiques collectives
- Inconscient collectif moyen : représentations sociales, normes culturelles, croyances collectives
- Inconscient collectif supérieur : énergies spirituelles, aspirations universelles, intuition collective, génie créatif de l’humanité
Une influence invisible mais puissante :
Même si nous n’en avons pas toujours conscience, ce champ collectif nourrit, influence, inspire ou conditionne nos pensées, nos comportements, nos rêves.
Il agit comme une matrice invisible au sein de laquelle nos expériences individuelles prennent sens.
🌟 En psychosynthèse, entrer en relation avec l’inconscient collectif :
- C’est distinguer ce qui nous appartient de ce que nous avons hérité
- C’est honorer ce socle humain commun sans s’y dissoudre
- C’est reconnaître que notre chemin intérieur est aussi lié à celui de l’humanité toute entière
Une voie audacieuse et profondément humaniste.
Ce modèle proposé par Roberto Assagioli, nous rappelle que nous ne sommes pas seulement façonnés par nos blessures et nos automatismes, mais que nou sommes aussi portés par nos élans créateurs, nos valeurs profondes et notre Soi le plus vaste.
Loin d’invalider Freud, ce modèle vient compléter sa vision, en y intégrant la dimension spirituelle de la psyché. Il nous invite à ne plus seulement fouiller nos caves, mais aussi à ouvrir nos greniers. À accueillir les parts de nous encore lumineuses, intuitives, visionnaires.
Il nous donne une carte… mais surtout un projet : celui de réunifier nos étages, de faire la synthèse de toutes nos dimensions, personnelles et transpersonnelles.
L’art-thérapie évolutive permet d’explorer ces différentes strates de soi sans violence, sans interprétation imposée, mais avec écoute, douceur et émerveillement.
Les images, les formes, les couleurs, les gestes sont autant de passerelles vers l’inconscient. Et la création devient alors un acte de guérison, de dialogue et de transformation.
Reconnaissent des processus inconscients cognitifs et émotionnels (traitement automatique, mémoire implicite…) et abandonnent l’idée d’un inconscient conflictuel freudien.
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Sources et inspirations : formation en art-thérapie évolutive
